« Un rejet aussi unanime ne pouvait avoir que deux explications, pensai-je tout d’abord, avec ce mélange de mégalomanie et de doute abject qui caractérise les romanciers novices : mon livre doit être ou bien génial, ou bien grotesque! En fait, c’est une troisième explication, beaucoup plus simple, qui était la bonne : on ne m’avait même pas lu. Cette évidence ne me fut révélée que dans la toute dernière lettre de refus : “Nous aurions été intéressés à publier votre étude, n’était-ce que trop d’ouvrages également consacrés à Napoléon viennent de paraître ces derniers temps.” Si parva licet componere magnis, je me sentais quand même flatté de partager involontairement le sort d’Orwell: on se souvient en effet que l’éditeur américain auquel il avait soumis Animal Farm avait refusé son chef-d’œuvre en alléguant : « Les histoires d’animaux ne se vendent plus. »
(in La mort de Napoléon de Simon Leys, postface p. 123)