LM Formentin

Auteur de théâtre & auteur-réalisateur de films

De la servitude volontaire

Dans son célèbre Discours sur la servitude volontaire, écrit vers 1548, Etienne de la Boétie, alors âgé seulement de 18 ans, s’en prend avec fougue aux brutalités du pouvoir, brutalités de son temps certes, mais finalement de tous les temps, faisant l’amer constat que la tyrannie, depuis toujours, plane comme une ombre sur le destin des peuples.

Dans ce court texte, il laisse éclater sa colère : quelle est cette constante de l’Histoire qui veut que des millions d’hommes toujours se soumettent à un seul ? Mais sa colère est moins dirigée contre les tyrans eux-mêmes – princes, rois, empereurs, califes, despotes en tous genres – que contre les peuples eux-mêmes : quelle est cette étrange lâcheté qui les fait taire et consentir à la servitude, quand il faudrait, non pas se battre, mais simplement cesser d’obéir ? Du consentement à la complicité, il n’y a qu’un pas. Et La Boétie, en interrogeant l’Histoire, nous place devant nos responsabilités : n’y aurait-il pas, dans tout peuple, et donc en chacun de nous, une forme de servitude volontaire ?

Sur la scène, c’est un homme hors du temps, ou plutôt un homme « de tous les temps » qui reprend le flambeau de La Boétie. Ancien magistrat aux allures de Diogène, empreint de sagesse et de truculence, ayant longtemps observé les hommes et parcouru les époques, il décortique, avec une logique implacable et une ironie mordante, le perpétuel face-à-face entre un homme seul, certes armé d’un appareil d’Etat, et un peuple si souvent silencieux, résigné, indifférent, convaincu de son impuissance.

Ce texte fiévreux, sorte de J’accuse ! à l’adresse des tyrans et des peuples, n’est d’aucun pays ni d’aucune époque. C’est pourquoi il est d’une actualité brûlante : les dictatures, qu’on croyait naïvement d’un autre temps, fleurissent ou se renforcent de par le monde. Et nos belles démocraties s’empressent de les imiter lorsque, à la faveur d’une certaine pandémie, elles instaurent une forme inédite de contrôle social, avec l’assentiment du « bon peuple ».

Il est temps qu’on nous rappelle que les tyrans ne tirent leur force que de notre coupable faiblesse, et que la liberté n’est pas un vain mot mais, toujours, un acte, un risque, une conquête – et d’abord sur nous-mêmes.

Bande annonce

De la servitude volontaire

Avec. Jean-Paul Farré

Auteur. LM Formentin

Mise en scène. Jacques Connort

Décor. Jean-Christophe Choblet

Costume. Isabelle Deffin

Musique. Raphaël Elig

Lumières. Arthur Deslandes

Production. Jean-Luc Grandrie

Diffusion. SEA ART
Diffusion. 06 31 16 31 78
Diffusion. seaart@wanadoo.fr

Création. Festival d’Avignon 2023

Durée. 1h10

Avec. Jean-Paul Farré

Auteur. LM Formentin

Mise en scène. Jacques Connort

Décor. Jean-Christophe Choblet

Costume. Isabelle Deffin

Musique. Raphaël Elig

Lumières. Arthur Deslandes

Production. Jean-Luc Grandrie

Diffusion. SEA ART
Diffusion. 06 31 16 31 78
Diffusion. seaart@wanadoo.fr

Création. Festival d’Avignon 2023

Durée. 1h10

Création Festival d’Avignon 2023

Théâtre du Petit Louvre

Salle Van Gogh

23, rue Saint-Agricol
84000 Avignon

Le Petit Louvre

25, rue Saint-Agricol
84000 Avignon

Du 7 au 29 juillet 2023

Tous les jours à 14h50

Relâches les mercredis 12, 19 et 26 juillet
Durée 1h10

Réservations & vente

04 32 76 02 79
www.theatre-petit-louvre.fr

Note du metteur en scène

Jacques Connort

Connaissant depuis longtemps le Discours sur la servitude volontaire d’Étienne de la Boétie, auteur que j’avais connu, comme la plupart de ses lecteurs, par son ami Montaigne (« parce que c’était lui, parce que c’était moi »), j’ai remarqué que ce texte avait récemment ressurgi, d’abord lors de la pandémie, pour interroger les mesures autoritaires mises en place en France comme dans la plupart des grandes démocraties, et depuis l’invasion russe en Ukraine, pour évoquer le régime de Poutine. En me documentant, j’ai réalisé qu’il en était de même chaque fois que, dans un État, la liberté était en jeu (révolutions de 1789, de 1848, de 1870, régime de Pétain…). C’est dire si La Boétie est de ces auteurs, puissants et rares, qui parlent à chaque époque.

Et c’est pourquoi, conscient de son audace d’esprit, de sa portée intemporelle, mais aussi ému par sa juvénile indignation, je rêvais de faire entendre un jour ce texte sur la scène, au plein cœur de notre XXIe siècle.

Ce texte, certes porteur d’une pensée vigoureuse et sans âge, mais vieux de quatre siècles et destiné à une lecture solitaire et muette, réclamait toutefois, pour les nécessités du théâtre et d’un public moderne, qu’on lui fît subir une double transformation : sur le fond, qu’il bénéficiât d’une réflexion nouvelle, nourrie précisément de quatre siècles peu avares en tyrannies de toutes sortes ; sur la forme, qu’il pût se prêter au jeu et s’incarner dans un authentique personnage. C’est à ce double défi que répond, je crois, ce texte entièrement original de LM Formentin.

Il fallait aussi, naturellement, le concours d’un comédien susceptible de porter haut et fort ce nouveau texte et de donner corps au personnage imaginé. ll me fallait Jean-Paul Farré, dont la longue carrière et l’expérience des grands textes, comme le goût de la farce souvent jouée dans ses propres spectacles musicaux, permettrait de relever le défi d’un texte intense et grave, mais non dépourvu d’humour et d’une sorte d’insolence.

Dans ce seul en scène où le public est d’emblée réquisitionné et se fait « peuple », l’acteur peut déployer en même temps qu’une pensée vivante toutes les variations d’un jeu combinant l’ironie, la gravité, la tendresse, le burlesque et le sublime.